Afin de sensibiliser l’opinion publique à la situation des SDF, l’association à but non lucratif Aurore a opté pour une campagne d’affichage éphémère qui détourne le nom de grandes marques française de luxe. N’ayant pas les moyens de financer une campagne classique, l’association a été contrainte de se contenter de Paris et ses alentours pour une durée minime.

Bonnes intentions

Aurore a lancé sa campagne suite à la fermeture des centres d’hébergements hivernaux (de toutes façon trop limités en places), qui laisse les sans abri errer de bouches de métro en ruelles obscures. Pour représenter cette forme de précarité, l’association a choisi des visuels simples mais efficients qui mettent en avant des SDF dotés de drôles de noms. Ainsi, nous avons le plaisir de rencontrer Christian Dehors, Yves Sans Logement et Jean Paul Galère. Vous l’avez compris, leur patronyme sont les sujets de jeux de mots (dignes de Ramucho du Bigdill) avec des noms de marques dont la simple évocation laisse habituellement rêveur. Quel concept original que l’opposition du luxe et de la détresse !

Noble cause et hypocrisie

N’y allons pas par quatre chemins. La défense des sans abris est une cause indéniablement vitale. Multiplier les campagnes de sensibilisation est sans doute important. Néanmoins, plusieurs interrogations se posent quant à l’efficience de ce type de démarche. Tout d’abord, à qui sont destinées ces affiches ? Au quidam lambda durant ses trajets de en métro alors qu’il a déjà du mal à joindre les deux bouts et ne dispose d’aucun pouvoir ? En outre, s’il prend le métro il en voit tous les jours, en vrai en plus. Nous pourrions certes objecter que ce genre de campagne permet de mettre en lumière des personnes qui sont devenus invisibles à force d’être tout le temps là. Mais pour que des SDF soient devenus invisibles aux yeux des passants, c’est bien que la majorité d’entre nous s’en fout tant qu’elle n’est pas directement concernée. Arrêtons l’hypocrisie que diable. Soyons même totalement franc, beaucoup de personnes assisses à proximité d’un SDF dans le métro s’en éloignent ou esquissent une mimique de dégoût.Et ces associations devraient se rendre compte que faire vivre de façon décente la population est une mission de l’état (constitution) qui a la possibilité de lever des fonds, possibilité qu’est loin d’avoir un citoyen ordinaire. Avoir la volonté de sensibiliser le passant lambda parisien (encore une fois pas toujours très fortuné et qui n’a aucun pouvoir) au problème des SDF par des affiches de sans abri, alors qu’il prend tous les jours ou presque le métro et est donc confronté à plusieurs SDF au sein même de son wagon, nous ferait hurler de rire si le sujet n’était pas aussi dramatique. Comment peut on penser un seul instant que cela puisse être efficace à moins d’être incapable d’analyser l’être humain correctement ou totalement débile ? Cela paraît impossible en effet.

Humanisme stérile

L’association Aurore a de plus déclaré que son but n’était que de sensibiliser au sort des SDF, sans volonté aucune de critiquer les marques de luxe dont le nom a été détourné. Parvenir à interpeller par une opposition aussi manichéenne que manquant d’inventivité tiendrait du miracle. En outre, nous ne comptons plus les campagnes de ce genre et pourtant le nombre de SDF ne cesse de s’accroître. Aussi horrible que cela puisse paraître, la grande majorité des personnes amenées à passer devant ces affiches auront une remarque du type « tiens c’est marrant, ils détournent le nom des marques avec des SDF » avant de rentrer tranquillement regarder le JT. La même qu’ils ont eu avant que les vrais SDF ne deviennent qu’un élément du décor urbain parmi d’autres…

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